Comment l’intermittence fait exploser la facture
Une nouvelle étude de l’OCDE confirme une réalité dérangeante: plus on ajoute d’éolien et de solaire, moins cette électricité vaut quelque chose.
Pas parce qu’un lobby les sabote, ni à cause d’un complot des fossiles ; mais simplement parce que leur production arrive tous en même temps, aux mêmes heures, exactement là où le marché ne l’attend pas et n’en a pas besoin...
Et c’est précisément ce que montre ce graphique: plus la part du solaire augmente, plus la courbe s’effondre.
On voit une chute presque verticale de la valeur relative du MWh solaire : à 5 % de part dans le mix, il vaut presque comme un MWh classique. À 20 %, il perd déjà une part significative de ses revenus ; et au-delà, le marché paie le solaire bien en dessous du prix moyen de l’électricité.
L’éolien suit la même logique, mais de façon moins dramatique : sa dispersion temporelle est plus large, donc sa valeur ne s’écrase pas aussi vite… mais elle s’érode tout de même de manière nette et inévitable.
Ce n’est pas une opinion : cette autre figure du rapport le montre très clairement.
Plus la part d’éolien/solaire augmente (10%, 30%, 50%, 75%), plus les coûts profils, de connexion, de réseau et d’équilibrage montent. Autrement dit les technologies les moins chères sur le papier deviennent les plus coûteuses une fois intégrées au réseau.
Les énergies renouvelables causent des externalités pécuniaires (baisse des prix), que le marché transmet normalement au producteur.
Mais lorsque les États subventionnent hors marché (tarifs d’achat, garanties, appels d’offres administrés), le signal prix est neutralisé : l’investisseur ne ressent plus la baisse de valeur — mais la collectivité la paie.
Cet autre graphique de l’OCDE montre comment les coûts du système électrique explosent ou s’effondrent en fonction d’un seul paramètre : la part de nucléaire dans le mix, face à une part plus ou moins élevée d’énergies intermittentes et une flexibilité plus ou moins disponible. Et la lecture est limpide :
👉 Plus il y a de nucléaire, plus la surface du graphique s’aplatit.
👉 Plus on remplace le nucléaire par du variable, plus un pic de coûts apparaît.
👉 Dans tous les cas, un système très renouvelable coûte… significativement plus cher.
D’où une conclusion économiquement explosive : les niveaux actuels d’intermittents dans l’OCDE dépassent déjà le point optimal, et les ambitions futures s’en éloignent encore plus.
Nous avons ajouté plus d’intermittent que ce que le système peut absorber sans devenir absurdement coûteux — en réseaux, stockage, back-up et pertes de valeur.
Dans une majorité de pays européens, la puissance intermittente installée en 2030 dépassera… la consommation totale, y compris aux heures de pointe.
Le dernier rapport de l’ENTSO-E, organisation officielle des gestionnaires de réseaux européens n’annonce pas une crise future : il décrit l’Europe de 2030, où la capacité intermittente dépasse largement la demande minimale, ouvrant la voie à une explosion de prix négatifs, de congestions locales et de paiements compensatoires. Quand le soleil brille trop fort, l’électricité « gratuite » devient soudain très chère…
En Espagne : 135 GW d’EnR pour une pointe attendue à 61 GW. En Allemagne, ce sont 360 GW d’EnR pour une pointe à 147 GW…
Autrement dit : à midi au printemps en 2030, l’Europe risque de souvent produire entre deux et six fois plus d’électricité qu’elle ne peut en consommer...
Cette surproduction structurelle n’a rien d’un futur lointain. En Allemagne elle coûte déjà 3 à 4 mds d’euros de redispatching par an. Et aux Pays-Bas : 1,4 md par an de congestion — un coût quadruplé en cinq ans...
Le marché n’est pas conçu pour ça. Le réseau non plus, et le stockage encore moins.
Voilà ce qui arrive lorsque l’on empile des gigawatts sans se demander si le réseau, la demande et les marchés peuvent suivre... Que l’on appelle cela “externalité non internalisée”, “inefficience économique”, “distorsion politique”, ou simplement “mauvais calcul”, le résultat est le même : les ENR paraissent “compétitives” uniquement parce que leurs coûts indirects sont invisibles et payés par les autres.
Ces deux rapports fournissent une synthèse extrêmement claire :
Les EnR deviennent très coûteux pour le système dès qu’ils dépassent 10–30 % de part. Leur valeur marchande chute mécaniquement.
Le réseau et la flexibilité deviennent les postes dominants du coût.
Le nucléaire minimise systématiquement les coûts totaux.
Les subventions hors marché faussent les signaux économiques et créent des inefficacités majeures.
Les décideurs doivent désormais raisonner en coût système, pas en LCOE.
Cette étude n’est pas une attaque contre les renouvelables : c’est un miroir tendu à ceux qui pensent qu’il suffit d’empiler des panneaux et des turbines pour faire disparaître la physique, les coûts et les prix…
Les marchés, eux, ne débattent pas : ils appliquent. Et ce qu’ils appliquent ici est un principe vieux comme l’économie : la valeur d’un bien chute quand on le produit massivement au même moment, au même endroit, sans possibilité de le stocker…
( Source de l’étude: NEA System Cost Analysis for Integrated Low-Carbon Electricity Systems: A Guide for Stakeholders and Policymakers, OECD Publishing )






